News – Article #3 – Not today
Dans le boulot de traducteur indépendant, tu te poses aussi (oui, aussi, car tout le monde s’en pose… enfin, j’espère) un tas de questions. Tu dois mener ta barque dans le but ultime d’arriver à un « travail régulier » qui te permet d’avoir de quoi manger, et une vie à côté (idéalement, dans cet ordre).
Dans la pratique, si tu sais parfois de quoi demain sera fait (et encore, pas tout le temps), tu n’as souvent aucune idée de ce dont la semaine prochaine sera faite (sans parler du mois prochain). Ce qui peut, on en conviendra, déboucher sur pas mal de questions, existentielles et autres, comme « pâtes ou pas pâtes ? ».
Quand doit-on refuser une traduction ?
La tentation est donc grande d’accepter n’importe quel boulot. Et tu vas accepter l’énorme majorité. Néanmoins, il faut parfois savoir dire non. Je vous propose ci-dessous les trois questions essentielles que je me pose assez souvent quand un client me demande une traduction.
1. Vais-je survivre ?
o Ben oui, dans le fond, si tu fais un super boulot et que tu n’es plus là pour profiter de cet argent gagné à la sueur de tes neurones, cela vaut-il la peine de commencer…
2. Le délai est-il raisonnable ?
o Tout le monde veut satisfaire ses clients. Mais si tu es déjà au rupteur pour livrer un texte et que tu n’auras clairement pas le temps de faire du bon boulot pour cette nouvelle commande, il est toujours possible d’essayer de négocier un petit délai. Les clients sont des êtres humains, eux aussi (si, si), et même s’ils te disent qu’il leur faut ce texte « asap » ou « pour hier », il est parfois utile de négocier une petite marge, même une heure ou deux, pour fournir un travail de qualité. Le client t’en sera a priori reconnaissant.
3. Ai-je les capacités pour réaliser ce travail ?
o Je ne doute des capacités d’aucun traducteur professionnel, dans sa langue maternelle. Mais je reçois relativement régulièrement des demandes de traductions vers une langue étrangère. On l’oublie souvent, mais un traducteur doit (dans un monde idéal, peut-être bien avec un Bisounours égaré par-ci par-là) traduire d’une langue étrangère vers sa langue maternelle. J’avoue une entorse occasionnelle ou deux, pour des traductions ‘simples’ de commandes de sites internet. Pour des textes plus complexes, mieux vaut s’entourer d’un petit réseau de traducteurs avec d’autres combinaisons.
o Les capacités peuvent aussi concerner la connaissance relative du sujet. Les traducteurs sont souvent très polyvalents, et la plupart d’entre eux sont en mesure de traiter un vaste éventail de sujets (j’aborderai vraisemblablement le volet « Qu’est-ce qu’une spécialisation en traduction ? » prochainement). Mais si on te demande de traduire un texte sur les règles du curling, que tu ne sais pas trop ce que c’est mais tu penses bien que c’est une discipline qui a été popularisée par les bédouins du Néguev, tourne sept fois ta souris avant de répondre, tu vas perdre des heures à effectuer les recherches.
Not today
Pourquoi se poser ces questions ? Pour revenir à mon but ultime de « travail régulier » : si un traducteur accepte un boulot en sachant qu’il ne sera pas en mesure de proposer un travail de qualité, et que le client s’en rend compte (car le client relit attentivement toutes les traductions, c’est bien connu), il risque de perdre ce client, sans parler des conséquences potentielles pour la réputation du traducteur (parce que oui, les gens parlent et, pire encore de nos jours, ils écrivent sur internet).
À méditer donc, selon moi : même si tu sais que cela va ajouter deux menus ‘pâtes’ à ton régime de la semaine suivante, il est parfois sage de savoir dire « not today ».
S.
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